Après une semaine d’absence, je prends connaissance de mon courrier et je parcours journaux et revues. Je suis frappé par la variété de ce qu’on m’écrit ou de ce qui est publié à propos de l’Église. Dois-je y voir une légitime et bonne diversité ou de graves divergences et oppositions entre les catholiques ? Une réponse n’est pas évidente. En approuvant avec enthousiasme ou au contraire en s’opposant farouchement, beaucoup de réflexions tournent autour de certains aspects de la liturgie, de l’attitude d’un curé ou du Pape, des positions ou gestes pour recevoir la Communion, etc. Ces questions peuvent avoir leur intérêt, mais bien secondairement, me semble-t-il. Ce qui retient bien davantage mon attention, ce sont plutôt les lettres et les articles d’hommes et de femmes passionnés pour le Christ, pour le monde, pour la mission de l’Église et qui s’expriment à partir de leur expérience. Si cette triple passion se manifeste dans la diversité, je ne peux que m’en réjouir, même si cette diversité n’est pas toujours facile à vivre entre disciples du Christ....
Envisager la vie chrétienne et notre mission avec ces sentiments et dans ces perspectives permet de se situer dans la dynamique de l’Évangile et de tenir au milieu des tensions que connaît l’Église à cause des courants divers qui la traversent. Ce sont des courants d’air qui peuvent faire attraper des rhumes ou des refroidissements. Certains catholiques préfèrent alors rester au chaud avec ceux qui pensent comme eux. Ils rêvent d’une Église sans tensions et qui soit surtout visible et respectée dans notre société sécularisée. Dérangés par les courants d’air qui bousculent l’Église, d’autres encore cherchent surtout des sécurités et des références pour être confortés dans leurs analyses. Mais si les courants d’air dans l’Église nous troublent, comment pourrons-nous vivre notre mission qui nous expose à tous les courants d’air dans la société d’aujourd’hui ? Notre sécurité, c’est le Christ. Notre référence, c’est la Parole de Dieu. Nous sommes envoyés au large et en eau profonde (cf. Lc 5, 4). Les courants d’air dans l’Église ne sont que des brises légères à côté des tempêtes qui bouleversent, troublent, accablent, écrasent tant d’hommes et de femmes de notre temps auxquels nous sommes envoyés. Voulons-nous vraiment être à leurs côtés ou perdre notre temps et nos énergies dans des discussions très « catholico-centrées » ? Certains relèvent des signes de repli identitaire ou de recul ou en tout cas de frilosité par rapport au bel élan reçu du Concile Vatican II. Je peux les comprendre. Ils ont parfois raison, mais pas toujours. Ce qui les déçoit ou même les blesse, les empêcherait-il vraiment d’annoncer l’Évangile, de célébrer le Salut et de servir la vie des hommes ? Dans une autre direction, je remarque ceux qui ignorent l’enseignement de leur curé ou de leur évêque et détachent soigneusement dans les paroles du Pape les phrases qui leur conviennent. Avec cela, ils portent des jugements toujours négatifs sur la société d’aujourd’hui et toujours sévères et critiques sur la pastorale de l’Église catholique en France. Je ne vois pas comment ces attitudes pourraient contribuer à annoncer l’Évangile, célébrer le Salut et servir la vie des hommes.
Ni les courants d’air dans le groupe des apôtres, ni les courants d’air dans la société de son temps n’ont empêché Jésus d’annoncer la Bonne Nouvelle, d’aller à la rencontre de tous, riches et pauvres, notables et exclus et d’aimer jusqu’au bout (cf. Jn 13, 1). L’imiter en méditant l’Évangile et vivre de son Esprit nous donne d’aimer fidèlement l’Église avec réalisme et confiance et d’expérimenter - au milieu de bien des épreuves et difficultés - la joie spirituelle et la liberté intérieure dans l’accomplissement de notre mission.
Mgr Gérard Daucourt, Évêque de Nanterre
Extraits éditorial Journal du diocèse